Ventiler les chiffres

Ventiler les chiffres

« L’approche genre ticket modérateur du Canada est discriminatoire, source de distorsion et autodestructrice ».

Dr. Barry Prentice, professeur de gestion de la chaîne d’approvisionnement, associé de l’Institut des transports.

Une autre annonce a été faite hier sur l’avenir de l’ACSTA, sujet que l’AIMTA surveille de près. La Loi portant modification est incluse dans le Projet de loi C-97, un projet de loi omnibus, une tactique à laquelle les libéraux et les conservateurs ont recours pour prendre des décisions importantes sans trop de débat public.

Le gouvernement prétend qu’il s’agit d’une mesure nécessaire en réaction à « des années de plainte pour service médiocre et de longues files d’attente ». Le gouvernement s’appuie sur les rapports et les données internes de l’ACSTA, selon lesquels l’agence ne peut pas répondre aux demandes croissantes, compte tenu ses ressources limitées.

Stan Pickthall, vice-président général, a déclaré « pendant de nombreuses années, le gouvernement fédéral a tiré profit du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Mais, le gouvernement ne remet pas tout cet argent à l’ACSTA et aux fournisseurs de service de sécurité chargés des inspections aux postes de contrôle ». Au Canada, les passagers paient des frais de sécurité allant de 14,96 $ à 25,91 $, selon la destination, ce qui s’inscrit parmi les frais les plus élevés au monde. Ces revenus sont versés au gouvernement qui s’en approprie une grande part. Le vice-président général a affirmé que c’était là le problème lié à l’incapacité de l’ACSTA de pourvoir aux demandes futures.

Les coûts sont généralement répartis entre les gouvernements nationaux, les recettes fiscales générales, les compagnies aériennes et les passagers. Les États-Unis, pays notoire en ce qui concerne la privatisation de la plupart des services publics, ont un système mixte en matière de financement de la sûreté de l’aviation. Le Canada, en revanche, dispose d’un système de ticket modérateur et les frais de transport imposés aux passagers sont nettement supérieurs aux coûts opérationnels de l’ACSTA. De ce fait, les ressources financières de cette dernière ne devraient pas manquer.

Une étude publiée en 2015 par le Journal of Air Transport Management s’est penché sur les redevances des passagers, les résultats et les coûts d’exploitation des aéroports. Il y a été constaté qu’il n’y a pas de différence de coûts d’exploitation et capitaux entre les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Ici, toutefois, les frais imposés aux passagers ont considérablement augmenté tandis que les dépenses en capital ont diminué. Cela signifie que les coûts sont passés à la charge du public.

L’étude révèle également que lorsque les frais imposés aux passagers augmentent, comme ce fut le cas            en 2011, le nombre de passagers en provenance ou à destination du Canada a diminué de 690 000. Cela s’est traduit par « des pertes de recettes totalisant 227 millions de dollars et une perte de prospérité économique de 22 milliards de dollars ». Faire passer les coûts à la charge des passagers est contraire à nos intérêts.

En fait, « la proportion de passagers internationaux ne semble pas affecter les coûts d’ensemble de la sécurité dans l’Union européenne » qui opère plusieurs principaux centres.

 

Sur la question de mauvaise performance et d’incapacité de répondre à la demande, il est difficile de mesurer les résultats dans l’industrie aéronautique et les modèles existants ne tiennent pas compte des réalités du travail. Cependant, une chose est certaine. À mesure que les dépenses en capital diminuent, les effets se font sentir dans l’ensemble de l’agence, affectant invariablement les effectifs. Les membres de l’AIMTA disent devoir faire plus avec moins, ce qui peut avoir un impact sur la performance. Les statistiques montrent qu’à l’aéroport  international Pearson, 85 % des passagers font l’objet d’un contrôle en quinze minutes ou moins. On peut en dire autant de Montréal et Vancouver.

Il semble qu’il s’agit d’une crise fabriquée de toute pièce pour justifier la privatisation. Les libéraux et les conservateurs ont l’habitude de réduire le financement des services publics pour justifier l’introduction de services partiellement ou entièrement privatisés. Bien que les libéraux aient critiqué les conservateurs pour avoir enfoui des informations dans des projets de loi omnibus, ils ont eu recours à la même tactique.

L’AIMTA a fait campagne contre la privatisation des aéroports et avait prévenu que l’ACSTA serait transformée en une agence comme NAV CAN. Le VPG Pickthall a promis « qu’en tant que syndicat représentant le plus grand nombre d’agents de contrôle au Canada, l’AIM continuera à défendre les intérêts de ses membres, très inquiets en ce qui a trait à leur capacité à protéger les voyageurs. Le gouvernement fédéral doit fournir les ressources suffisantes pour ce faire ».

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