Lettre à Bill Morneau et Marc Garneau de Hassan Yussuff, président du CTC

Lettre à Bill Morneau et Marc Garneau de Hassan Yussuff, président du CTC

Le 23 mars 2020
Dossier : 20403-F01/T01
L’honorable Bill Morneau, C.P., député
Ministre des Finances
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Par courriel : bill.morneau@parl.gc.ca
L’honorable Marc Garneau, C.P., député
Ministre des Transports
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Par courriel : marc.garneau@parl.gc.ca

Messieurs les ministres,

Nous vous écrivons au nom de plus de 50 000 employés de compagnies aériennes au Canada.

L’épidémie de coronavirus (COVID-19) fait des ravages dans la vie des Canadiens. En plus de mettre à rude épreuve notre système de santé publique et de bouleverser la vie sociale et économique de ce pays, la pandémie et les efforts considérables déployés par le gouvernement pour la combattre ont un impact colossal sur les travailleurs des compagnies aériennes et des aéroports. Ces compagnies ont commencé à réduire le nombre de vol et les horaires de travail. Des milliers de travailleurs des aéroports qui sont confrontés à de graves risques pour leur santé au travail commencent à perdre leur emploi. À l’instar de plusieurs autres Canadiens, les salariés sont aux prises avec une incertitude et une anxiété profonde.

En tant que syndicats des compagnies aériennes canadiennes, notre priorité lors de cette crise est de défendre les droits, le revenu, la santé et le bien-être des travailleurs de l’aviation. Dans l’immédiat, les travailleurs de première ligne tels que les agents de contrôle préembarquement, les équipages de vol et les préposés aux passagers doivent recevoir le meilleur équipement de protection individuelle pour assurer leur sécurité et celle du public voyageur. Cela est nécessaire pour contenir la propagation de ce virus des plus mortel.

Pour contribuer à endiguer l’épidémie de coronavirus, le gouvernement fédéral a imposé des restrictions sur les vols, et ce à juste titre. Cependant, le gouvernement porte une part de responsabilité dans les conséquences financières pour les compagnies aériennes et leurs employés. À cet égard, nous sommes très inquiets par la manière dont les mesures d’aide fédérale aux compagnies aériennes faciliteront le maintien des emplois, de la rémunération et des avantages sociaux des employés, et préserveront les droits de négociation collective.

Nous tenons à souligner qu’hormis les pressions exceptionnelles et temporaires causées par l’épidémie de COVID-19, l’industrie aérienne canadienne est dans l’ensemble rentable, en bonne posture financière et prête à poursuivre son expansion à moyen terme.

Les circonstances auxquelles l’industrie doit faire face en 2020 sont à l’opposé de celles de l’après-11 septembre, lorsqu’Air Canada s’est placée sous la protection de la LACC au beau milieu de l’épidémie de SRAS de 2003. Dans la crise actuelle, la seule priorité doit être de stabiliser les revenus des travailleurs et de maintenir la participation de la main-d’œuvre dans toute la mesure du possible.

Toute proposition d’allègement de la part du gouvernement fédéral doit être élaborée en consultation avec les agents négociateurs représentant les travailleurs des lignes aériennes et avec leur consentement. Elle doit maintenir et réinstaurer les employés sur le registre de paie, protéger les droits de négociation collective et s’accompagner de garanties légales selon lesquelles cette dite aide financière servira en premier lieu à soutenir les salaires, les traitements et les avantages sociaux des travailleurs. Les niveaux d’emploi doivent être maintenus dans toute la mesure du possible, et des engagements contraignants doivent être pris pour maintenir les services, les centres d’appels et d’autres opérations au Canada.

Tout soutien gouvernemental accordé à l’industrie doit aller aux travailleurs (dont beaucoup ont déjà reçu des avis de licenciement) et non aux coffres des entreprises. À cette fin, toute aide gouvernementale doit s’accompagner de limites strictes et expresses sur la rémunération des cadres (y compris les primes et les options d’achat d’actions), les rachats d’actions, les paiements de dividendes et le remboursement des dettes visant à accroître la valeur pour les actionnaires.

Nous espérons que les régimes d’assurance-maladie complémentaires des employeurs continueront de couvrir tous les travailleurs et que le temps passé en congé et en licenciement sera considéré comme un service ouvrant droit à pension dans le cadre des régimes de retraite. Nous chercherons également à obtenir l’assurance que l’aide financière fédérale sera allouée de manière que les promoteurs respectent leurs obligations de financement dans le cadre de tous les régimes de retraite à prestations et à cotisations définies.

L’objectif de l’aide gouvernementale temporaire et d’urgence est de permettre aux compagnies aériennes de surmonter la crise et de se redresser lorsque les activités commerciales normales reprendront. Outre la fourniture d’équipement et de procédures de protection appropriés pour protéger les travailleurs de l’aviation face à la menace du COVID-19, les mesures de protection réglementaires existantes et à venir, notamment les réglementations relatives aux heures de vol et de service, doivent être maintenues.

Bien que les négociations collectives doivent pouvoir se poursuivre, il ne peut y avoir d’acquisition ou de restructuration d’entreprise pendant cette période exceptionnelle sans le consentement du syndicat. À cet égard, les syndicats doivent recevoir des informations complètes et opportunes sur les projets de l’entreprise. Nous nous attendons à ce que toute entité habilitée à prendre des décisions concernant l’aide fédérale à une compagnie aérienne comprenne des agents négociateurs représentant les employés de la compagnie. Enfin, nous nous attendons à ce que le gouvernement fédéral reçoive une participation en capital en échange de tout investissement qu’il fait dans une compagnie aérienne.

Le transport aérien est un élément essentiel du réseau de transport et de l’économie du Canada, car il favorise le commerce intérieur et international, le tourisme ainsi que la circulation des personnes et des marchandises partout au pays et dans le monde. Les compagnies aériennes et leurs employés seront essentiels à notre effort de redressement national, de la transmission immédiate des biens et services nécessaires à la contribution à plus long terme du secteur à la prospérité économique.

Pour aider l’industrie à continuer à jouer ce rôle essentiel, les syndicats des compagnies aériennes canadiennes sont prêts et disposés à collaborer avec le gouvernement fédéral sur toute aide financière temporaire pour soutenir l’industrie du transport aérien et sa main-d’œuvre.

Signataires :
Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada
Mark Hancock, président du Syndicat canadien de la fonction publique
Jerry Dias, président d’Unifor
Stan Pickthall, vice-président général canadien de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale
Le capitaine Tim Perry, président de l’Association canadienne des pilotes de ligne
Rob Giguere, directeur général de l’Association des pilotes d’Air Canada

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