Quand le lieu de travail fait place au harcèlement sexuel

 

L’OIT met en avant la question du harcèlement sexuel au travail, une forme d’agression insidieuse mais perturbante.
Reportage | 6 mars 2013
 
GENEVE (OIT Info) – Sisandra, 28 ans, comprend fort bien l’impact du harcèlement sexuel au travail.
 
En tant que technicienne en télécommunications, elle travaille dans un environnement où s’exerce la domination masculine à Durban, en Afrique du Sud.
 
«Mon directeur est venu dans le bureau. Il m’a demandé mon numéro de téléphone et je le lui ai donné. Je ne lui ai pas demandé pourquoi il voulait mon numéro parce que c’est une personne haut placée, respectée de tous dans la société en raison de ses fonctions. Il a ensuite commencé à toucher ma poitrine et mes parties intimes.»
 
«J’ai commencé à me sentir très mal à l’aise et je l’ai arrêté. Puis, je suis sortie du bureau et lui ai dit que j’allais en faire part à mon superviseur. Je me suis sentie agressée et effrayée. Même si je lui ai dit que j’allais aller tout raconter, j’ai pensé que je ne pourrais pas parce que je risquais de perdre mon emploi si je parlais», se souvient-elle.
 
L’expérience de Sisandra n’est pas un cas unique. Selon les Nations Unies, entre 40 et 50 pour cent des femmes de l’Union européenne ont subi des avances sexuelles, des contacts physiques ou des propositions verbales non sollicités ou d’autres formes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail; dans les pays d’Asie-Pacifique, la proportion est de 30 à 40 pour cent.
 
En Australie, selon la Commission australienne des droits de l’homme, 25 pour cent des femmes ont été sexuellement harcelées au travail. Les hommes aussi peuvent être victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail mais c’est beaucoup moins fréquent.
Je me suis sentie agressée et effrayée. Même si je lui ai dit que j’allais aller tout raconter, j’ai pensé que je ne pourrais pas parce que je risquais de perdre mon emploi si je parlais»
 
«Le harcèlement sexuel et les autres formes de harcèlement et d’abus – physique, verbal ou psychologique – intimidations, agressions, stress lié au travail et violences touchent toutes les professions et tous les secteurs, les hommes comme les femmes», explique Jane Hodges, Directrice du Bureau pour l’égalité entre hommes et femmes de l’OIT. «Cependant, il n’existe toujours pas de traité international des droits humains prohibant explicitement les violences faites aux femmes; la question demeure mal définie et mal comprise dans le droit international concernant les droits de l’homme.»
 
Comme ce fut le cas pour Sisandra, le principal problème est que les femmes ne dénoncent pas le harcèlement par crainte de perdre leur emploi. Le coût pour les travailleurs, indique Mme Hodges, c’est un stress accru, la perte de motivation et un risque majoré d’accidents du travail: «La violence et le harcèlement au travail constituent un obstacle important à l’accès des femmes au marché du travail et au développement de leur carrière. Ils minent la qualité des conditions de travail».
 
Cela a aussi un coût pour les entreprises: «C’est un problème très lourd pour les employeurs. Le harcèlement au travail génère de l’absentéisme, une rotation accrue des effectifs et une baisse de la performance au travail et de la productivité», explique Déborah France-Massin, Directrice d’ACTEMP, le Bureau des activités pour les employeurs de l’OIT.
 
Au-delà de l’OIT, de nombreux employeurs sont aussi préoccupés: «La violence en milieu de travail est aussi une question liée aux droits humains. Une approche adéquate en vue de l’élimination de la violence au travail suppose de s’attaquer en priorité aux origines des pratiques discriminatoires et d’être conscients de leurs différents contextes régionaux, culturels et sociaux», déclare Brent Wilton, Secrétaire général de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) qui représente plus de 150 fédérations d’employeurs et d’entreprises dans le monde.
 
Lutter contre le harcèlement sexuel
Parmi les efforts déployés par l’OIT pour combattre cette violence en milieu de travail, deux projets sont mis en œuvre au Bangladesh et au Sri Lanka. L’OIT s’est aussi associée à d’autres agences pour plusieurs programmes au Brésil, en Angola, en Afrique du Sud, en Inde et en Chine. Les experts de l’OIT, en collaboration avec les syndicats et les employeurs, ont contribué à la rédaction de guides et codes de conduite sur la prévention du harcèlement sexuel dans plusieurs pays, notamment en Chine et au Viet Nam.
 
«C’est une question de droits humains, mais c’est aussi une question de santé, d’éducation et un problème socioéconomique. Des syndicats ont aussi fait intégrer des clauses relatives au harcèlement sexuel dans les conventions collectives et s’occupent des plaintes par le biais de procédures disciplinaires et de réclamations, explique Dan Cunniah, Directeur d’ACTRAV, le Bureau des activités pour les travailleurs de l’OIT: «ACTRAV considère le harcèlement sexuel comme une forme de violence au travail. Rejetons le harcèlement sexuel et bannissons-le aujourd’hui du monde du travail afin de sauvegarder la dignité et l’égalité des travailleurs».
 
Les chercheurs de l’OIT mesurent également l’incidence globale de la violence au travail tandis que les gouvernements sont épaulés pour rédiger et appliquer de nouvelles lois.
 
Au Viet Nam, par exemple, l’OIT a prodigué ses conseils pour le nouveau code du travail qui doit entrer en vigueur en mai 2013 et qui, pour la première fois, interdira le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.
 
Une partie du défi consiste à changer les comportements. Bien des gens banalisent la question, en la décrivant comme «juste un peu d’amusement». Mais comme le précise Jane Hodges, le harcèlement sexuel est préjudiciable à bien des égards:
 
«C’est une question de droits humains, mais c’est aussi une question de santé, d’éducation et un problème socioéconomique. La violence au travail est un problème caché mais dont les conséquences sont tout à fait concrètes.»
 
Qu’est-ce que le harcèlement sexuel?:
  • Il inclut tout comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, déraisonnable et offense la personne.
  • Lorsque le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, est utilisé de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail.
  • Quand une conduite a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne.
 
http://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/features/WCMS_206011/lang–fr/index.htm