Mémoire présenté par AIMTA Canada en réponse au Rapport de l’Examen de la Loi sur les transports au Canada

Mémoire présenté par l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale à Transports Canada en réponse au Rapport de l’Examen de la Loi sur les transports au Canada

Août 2016
Introduction
L’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA) est le plus important syndicat du secteur du transport aérien au Canada et en Amérique du Nord. Nous représentons des travailleurs et travailleuses du secteur canadien du transport aérien depuis près de 70 ans.
L’AIMTA représente plus de 50 000 membres à l’échelle pancanadienne, dont 22 000 travaillent dans les secteurs de l’aviation et de l’aérospatiale.
Nous représentons des techniciens d’Air Canada, d’Air Transat, de MTU Maintenance Canada, de Bombardier, de Land Mark Aviation, de Bearskin Lake Air Services, d’Innotech Aviation Inc. et de Piedmont Hawthorne Aviation. Nous représentons également des travailleurs et travailleuses responsables de fonctions d’appui à l’aviation pour des entreprises telles que Skycharter, Air Consol Aviation Services Ltd., Air Labrador, Allied Aviation Inc., Irving Aviation, PLH Aviation Services et Consolidated Aviation Fueling, pour n’en nommer que quelques-unes. De plus, nous représentons des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale au sein de Bombardier, de Rolls-Royce, de Magellan, de Lockheed Martin, d’AJ Walters et de L-3 Com, entre autres.
Nous représentons la majorité des contrôleurs et contrôleuses au pré embarquement au Canada qui veillent à la sûreté de l’aviation et de la sécurité du public pour le compte de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) et du gouvernement du Canada. De plus, nous représentons plusieurs services de sécurité au sein et en périphérie des aéroports canadiens.
Nous présentons au gouvernement du Canada l’opinion et préoccupations de nos membres concernant les recommandations formulées dans le rapport de l’examen de la Loi canadienne sur les transports (LTC).
Les quatre dernières décennies ont été marquées par un vaste mouvement soutenu à l’échelle planétaire visant à déréglementer le transport aérien dans le cadre d’une campagne de promotion du libre-échange encore plus vaste.
Tout a commencé en 1978 lorsque les États-Unis ont déréglementé leur marché intérieur afin de permettre à tous les transporteurs américains de desservir les destinations intérieures de leur choix et de percevoir les tarifs qu’ils jugeaient appropriés. D’autres pays ont adopté cette même tendance, dont le Canada en 1984 sous le gouvernement Mulroney.
Au cours de la même période, plusieurs accords bilatéraux dits « ciel ouvert » ont été conclus. Il s’agit d’une approche de politique internationale qui touche la libéralisation des règles et des règlements applicables à l’aviation internationale. Le but de cette approche est la création d’un environnement de libre marché exempt d’ingérence gouvernementale. L’accord « ciel ouvert » conclu entre le Canada et les États-Unis au milieu des années 1990 permet aux transporteurs canadiens et américains de desservir toute route transfrontière sans aucune restriction.
Le Canada a négocié de nombreux autres accords de ce genre (en vertu de la politique « Ciel bleu » du gouvernement Harper) et conclu un tel accord avec l’Union européenne en 2009 dont la mise en œuvre se fait toujours attendre.
Nous nous attendons également à la conclusion éventuelle d’un « accord multilatéral mondial sur l’ouverture des espaces aériens » par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). En vertu de cet accord, les transporteurs aériens pourraient voler partout dans le monde sans aucune restriction nationale sur les routes, la propriété ou le contrôle. Cette situation est très inquiétante aux yeux de l’AIMTA, des travailleurs et travailleuses, et de l’industrie de l’aviation.
La déréglementation des marchés intérieurs et les accords bilatéraux sur l’ouverture des espaces aériens ont eu pour effet d’affaiblir les transporteurs aériens, de réduire l’industrie à quelques méga-transporteurs et grandes alliances, de menacer la sécurité aérienne par l’arrivée des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) et d’exercer d’énormes pressions sur les travailleurs et travailleuses du transport aérien au Canada et partout dans le monde.
Nous observons trois tendances qui contribuent à une augmentation du nombre de passagers et passagères, aucune de ces tendances ne résultant des accords signés : une croissance de la population mondiale, une augmentation de la classe moyenne dans de plus en plus de pays et la hausse soudaine du nombre de baby-boomers qui prennent leur retraite dans de nombreux pays, notamment au Canada. Toutefois, le nombre de travailleurs et travailleuses dans le secteur de l’aviation est à la baisse, ce qui soulève plusieurs problèmes qui seront expliqués dans ce mémoire.
À notre avis, des accords multilatéraux sur l’ouverture des espaces aériens ne feront qu’aggraver la situation au regard de la sécurité et du respect des droits des travailleurs et travailleuses. De tels accords ouvriraient l’industrie du transport aérien à des transporteurs dits de « pavillons de complaisance », à l’instar de l’industrie du transport maritime. Les appareils seraient immatriculés dans les pays les plus économiques et les moins réglementés en la matière. Il en résulterait une attaque tous azimuts contre les salaires, les conditions de travail, les normes du travail et la sécurité des appareils. Un plus grand risque serait une autre réduction des niveaux d’emploi dans le secteur du transport aérien, similaire à ce qui s’est produit dans les années 1990 et les décennies suivant la mise en œuvre d’accords « ciel ouvert ».
Le vaste rapport de l’examen de la LTC de plus de 700 pages explique les trois dernières décennies de déréglementation, de libéralisation et de vente d’actifs publics. Il porte sur le transport ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime et aborde les besoins en matière de transport dans le Nord, les changements climatiques, l’innovation technologique et la gouvernance. Cependant, ce rapport ne tient aucunement compte de l’impact des recommandations qui y sont formulées sur les travailleurs et travailleuses, leurs revenus, leurs conditions d’emploi et la qualité de leur travail. Les recommandations prônent une libéralisation croissante, l’harmonisation de la réglementation, un accès accru aux investissements privés et l’intensification des forces concurrentielles. Tout cela nuirait énormément à la main-d’œuvre dans le secteur du transport aérien.
Ni l’AIMTA, ni d’autres syndicats canadiens n’ont été consultés pendant la préparation de ce rapport. Par conséquent, il laisse un grand vide en n’ayant pas pris en compte la voix des travailleurs et travailleuses du transport aérien.
L’AIMTA recommande de ne pas succomber aux normes les moins contraignantes sur la planète; nous devons au contraire veiller à l’adoption et à l’application des normes les plus élevées pour assurer la santé et la sécurité ainsi que la viabilité du secteur du transport aérien. Nous ne devons pas miner ou altérer nos normes nonobstant ce que nous tentons d’accomplir.
Nous aborderons chaque domaine visé aux chapitres 2, 6, 9 et 11 du rapport, et leurs répercussions sur l’AIMTA et ses membres. Une attention particulière sera portée au chapitre 9.
Chapitre 2 – Gouvernance
Ce chapitre témoigne du manque de consultation des syndicats au regard de la gouvernance du transport aérien. L’inclusion de tous les partenaires de l’industrie devrait être requise en amont de l’adoption de nouvelles approches à ce secteur névralgique de l’économie canadienne. Malheureusement, le rapport semble faire fi de l’importance des avis d’experts provenant du secteur du transport aérien et des syndicats qui représentent sa main-d’œuvre.
L’AIMTA reconnaît que le Canada, en raison de son vaste territoire peu densément peuplé, fait face à de multiples défis. Ces défis sont cependant surmontables pour faire de notre pays un modèle lorsqu’il est question d’un réseau multimodal de qualité sous la direction de Transports Canada. Nous concédons qu’une plus grande collaboration est nécessaire entre les ministères fédéraux, mais nous avons certaines réserves quant au cadre national sur les transports et la logistique présenté dans le rapport.
Premièrement, l’AIMTA croit fermement que des examens périodiques de la loi sont requis afin d’élargir la portée des consultations, des discussions et des adaptations. Nous nous opposons fermement à une approche du cadre national axée strictement sur une collaboration entre les secteurs public et privé.
Deuxièmement, « le dialogue en matière de transport et l’approche collaborative incluant l’ensemble du réseau de transport multimodal du Canada » ne constituera la bonne approche que si l’ensemble des partenaires sont inclus dans le processus. Des représentants et représentantes du mouvement syndical doivent être invités à siéger au Comité consultatif sur les transports et la logistique. L’ensemble des usagers et usagères, dont les travailleurs et travailleuses, doivent pouvoir se faire entendre par ce comité. Le rapport fait mention de la création d’un Centre d’excellence en transport et logistique prodiguant des « conseils d’experts en matière de politique ». Des représentants et représentantes du mouvement syndical doivent pouvoir participer au processus.
L’AIMTA recommande la tenue d’examens périodiques de la loi en plus du cadre national sur les transports et la logistique qui est proposé.
De plus, l’AIMTA recommande que des représentants et représentantes du mouvement syndical de même que des représentants et représentantes des usagers et usagères siègent au Comité consultatif sur les transports et la logistique et participent au Centre d’excellence en transport et en logistique comme conseillers experts.
Le rapport recommande « que le gouvernement du Canada élabore un plan à long terme et exhaustif pour les infrastructures des transports, et ce, avec la participation des provinces, des territoires et du secteur privé. » Le mouvement syndical devrait aussi y participer.
L’AIMTA recommande que le gouvernement du Canada élabore un plan à long terme et exhaustif pour les infrastructures des transports et ce, avec la participation des provinces, des territoires, du secteur privé et du mouvement syndical.
Chapitre 6 – Changements climatiques
Suivant les engagements pris par l’actuel gouvernement libéral en matière de lutte aux changements climatiques à la COP 21, la conférence des Nations Unies sur le changement climatique tenue à Paris en novembre et décembre 2015, une politique nationale sur la tarification du carbone est non seulement une priorité urgente, mais sera aussi avantageuse pour l’économie canadienne une fois mise en œuvre. L’objectif à long terme a été fixé de limiter le réchauffement moyen à 1,5 °C ou moins par rapport aux niveaux de l’ère préindustrielle, bien que la cible officielle demeure 2 °C. À l’heure actuelle, le Canada s’engage à réduire ses émissions de l’ordre de 30 pour cent par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030.
Des technologies peu polluantes doivent être développées pour les aéronefs et un « système de plafonnement et d’échange axé sur le marché », à l’instar de l’Accord Canada – États-Unis sur la qualité de l’air conclu en 1991, doit être mis en place.
L’AIMTA est favorable aux deux recommandations mises en avant dans le rapport.
Chapitre 9 – Transport aérien
Au milieu des années 1980, au Canada, ce sont les gouvernements qui étaient propriétaires-exploitants de l’infrastructure et des fournisseurs de services; de plus, ils réglementaient l’industrie des transports. En 1985, ces gouvernements se sont engagés dans la commercialisation et la vente d’actifs – pavant par-là même la voie à la déréglementation des marchés et à la libéralisation du commerce international.
Entre 1986 et 2006, le Canada est passé d’un système de propriété et de contrôle gouvernemental à un système axé sur les marchés commerciaux. Cette transformation a commencé par la déréglementation du marché intérieur des services aériens et la privatisation d’Air Canada, et a conduit à des pertes d’emplois, des réductions de services, des faillites, des fusions et des hausses de tarifs dans les marchés régionaux. Après avoir déréglementé et privatisé le secteur du transport aérien, le gouvernement s’est mis à commercialiser de plus grands aéroports et des services de navigation aérienne. En vertu de la nouvelle politique, NAV CANADA est devenu l’organisme sans but lucratif responsable du système canadien de navigation aérienne. Le rapport suggère la création d’entités aéroportuaires privées à but lucratif. Nous reviendrons sur ce point plus loin dans le mémoire.
Le plan de vol : ce que nous devons faire pour y arriver
La politique de l’utilisateur-payeur et le coût du transport aérien 
La politique d’utilisateur-payeur suggérée dans le rapport consiste dans les faits à transférer le fardeau financier des lignes aériennes directement aux passagers et passagères. Cette politique se solderait par une augmentation du prix des billets d’avion, si elle était mise en œuvre immédiatement. Nonobstant le pays, les transporteurs aériens reçoivent tous de l’argent public. Là où l’AIMTA diverge vraiment du contenu du rapport est lorsqu’il est question de percevoir un « droit pour la sécurité des passagers et passagères du transport aérien ». À l’heure actuelle, le gouvernement ne consacre pas l’entièreté des fonds qu’il recueille à la sécurité dans les aéroports. Puisque ce droit est perçu, le gouvernement ne rend aucun compte sur l’utilisation qui est faite des fonds. Cependant, des données provenant de Statistique Canada démontrent clairement que ces fonds ne servent majoritairement pas au contrôle de la sécurité dans les aéroports. Il importe aussi de souligner que le nombre de passagers et passagères augmente de 3,5 pour cent en moyenne par année, ce qui se soldera par une hausse des droits perçus.
Les conséquences que nous constatons dans les aéroports – par exemple, de plus longues files d’attente et des voies de contrôle de la sécurité sans personnel – deviennent plus préoccupantes au cours de la période estivale fort occupée. Nous voulons éviter aux passagers et passagères canadiens le même sort que celui que vivent les passagers et passagères américains.
L’AIMTA recommande que nous utilisions beaucoup plus efficacement les droits perçus de chaque passager et passagère pour augmenter les effectifs, améliorer les processus et mettre en place de nouvelles technologies pour faciliter le flux de voyageurs et voyageuses.
L’actuel système de perception de loyers pour subventionner les coûts d’exploitation des aéroports est préférable à la vente et la cession directes des opérations à intérêts privés ayant pour modèle l’organisme à but lucratif.
L’AIMTA recommande que le gouvernement du Canada, par le biais de Transports Canada, reste maître des règlements et politiques aéroportuaires en place afin d’assurer la sécurité des appareils et des passagers et passagères.
Selon l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto : [TRADUCTION] « Modifier la structure de propriété est complexe et la question exige un examen minutieux de la part de toutes les parties prenantes concernées. » L’AIMTA représente des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses dans les aéroports qui sont également parfois des passagers et passagères. Ils doivent être consultés; nonobstant la décision prise, elle sera lourde de conséquences sur les membres que nous représentons.
Politique nationale des aéroports : propriété et gouvernance
L’AIMTA s’oppose au fait que les aéroports puissent être concurrentiels sur la scène internationale, car la population et la vaste superficie terrestre du Canada nuisent à sa compétitivité par rapport à d’autres pays.
Des pays comme les États-Unis comptent un grand bassin de population, ce qui se traduit par la perception de montants plus élevés en taxes et en droits étant donné le nombre plus élevé de voyageurs et voyageuses qui prennent l’avion. Par conséquent, le système de transport aérien est plus viable. Ce grand bassin de population se prête à l’implantation de grandes plateformes aéroportuaires, soutient un nombre accru de lignes aériennes et crée une concurrence favorable à des tarifs aériens bas. De plus, il permet aux agences gouvernementales de bien gérer la réglementation aérienne, la sécurité aérienne et les autres secteurs du transport aérien.
Par conséquent, l’AIMTA recommande que le Canada prenne les mesures nécessaires pour soutenir un système de transport aérien adéquat d’un bout à l’autre de notre grand pays et que ce système soit transparent et redevable au ministre des Transports par le biais de Transports Canada, aux citoyens et citoyennes, et aux travailleurs et travailleuses de l’industrie du transport aérien.
De plus, l’AIMTA recommande que l’ensemble des politiques et règlements opérationnels soient normalisés dans tous les aéroports canadiens.
De plus, l’AIMTA recommande qu’un système de recettes, tel que celui en vigueur, en vertu duquel les autorités aéroportuaires perçoivent des loyers et des redevances d’atterrissage et en vertu duquel le gouvernement impose des droits et des taxes, soit maintenu, à moins que le gouvernement ne soit prêt à subventionner les activités aéroportuaires ou à les prendre en charge.
Les contribuables, les voyageurs et voyageuses paient tous et toutes le coût du transport aérien sous la forme de taxes et de droits lorsqu’ils voyagent. L’actuel système semble fonctionner, mais il doit être peaufiné afin de maintenir des bas coûts et permettre à toutes les parties prenantes de se faire entendre adéquatement.
L’AIMTA recommande qu’elle ait une voix auprès des conseils d’administration des autorités aéroportuaires au Canada. À l’heure actuelle, la voix des travailleurs et travailleuses n’est pas entendue. En effet, il n’y a aucune structure en place pour que leurs représentants et représentantes soient entendus.
De plus, l’AIMTA recommande que les conseils d’administration en place dans tous les aéroports du Canada aient pour mandat d’accorder les sièges requis à des représentants et représentantes syndicaux afin que les préoccupations syndicales soient prises en compte dans le cadre des processus décisionnels.
De plus, l’AIMTA recommande que le processus de nomination des membres siégeant à ces conseils soit revu et modifié pour donner suite aux recommandations formulées plus haut.
Dans le passé, le gouvernement fédéral a confié la gestion du Réseau national des aéroports du Canada (RNA) aux autorités aéroportuaires conformément à la politique nationale des aéroports.
L’AIMTA recommande que le gouvernement et Transports Canada continuent d’exercer un contrôle par le biais de leurs relations contractuelles avec les autorités aéroportuaires de même que par le biais de contrôles réglementaires rigoureux, particulièrement en matière de sécurité et de sûreté aériennes.
De plus, l’AIMTA recommande que Transports Canada continue d’exercer ce contrôle au moyen de mesures de politique, de lois et de règlements, de normes, d’ententes sur la cession d’aéroports et de processus de certification d’aéroports.
L’un des secteurs ayant une incidence sur les intérêts des travailleurs et travailleuses dans les aéroports est celui des actions prises par les autorités aéroportuaires dans leur exploitation quotidienne des aéroports pendant que les travailleurs et travailleuses effectuent les tâches exigées par leur employeur. Certaines de ces actions nuisent à la subsistance de ces travailleurs et dans certains cas, à la capacité des travailleurs et travailleuses de vaquer à leurs occupations dans l’aéroport sans processus d’appel équitable et juste.
Par conséquent, l’AIMTA recommande qu’une réglementation soit mise en place pour renforcer le contrôle des autorités aéroportuaires. Cela devrait permettre aux travailleurs et travailleuses des aéroports d’avoir accès à un processus impartial et non biaisé pour contester les décisions prises par ces mêmes autorités. De telles décisions pourraient inclure des suspensions ou la révocation de permis requis pour effectuer leur travail dans l’aéroport pour le compte de l’entreprise qui les emploie. L’équité procédurale doit être accrue dans tout secteur nécessitant des modifications afin qu’un travailleur ou travailleuse touché(e) par la décision d’une tierce partie puisse se défendre adéquatement.
Une autre grande crainte suscitée par l’AIMTA et ses membres travaillant dans les aéroports est celle de la pratique du « contract flipping » qu’il est possible de traduire de la façon suivante : « roulement abusif de contrats ». En vertu de cette pratique, un aéroport fait un appel d’offres pour certains travaux à effectuer. Une fois que le contrat a été attribué, malgré la durée stipulée au contrat et malgré la signature du contrat en bonne et due forme, il arrive souvent que l’aéroport signataire « cède » le contrat en y mettant fin avant terme ou en refusant de le prolonger et ce, même si le contractant fait un bon travail. Un tel roulement de contrat se fait toujours au détriment des travailleurs et travailleuses.
Il faut souligner que le rapport omet de préciser que la sûreté aéroportuaire est la responsabilité de TOUS les travailleurs et travailleuses dans l’aéroport. Ces derniers doivent tous se soumettre à des contrôles de sécurité et des vérifications des antécédents pour obtenir une carte d’identité en zone réglementée (CIZR) qui leur permet de travailler côté piste dans un aéroport canadien. Les ressources que consacrent les organismes gouvernementaux à l’émission de ces CIZR demandent beaucoup de temps et sont coûteuses; malgré tout, le taux de rotation des travailleurs et travailleuses dans les aéroports est très élevé. Nous devons avoir des discussions sur la mise en œuvre d’un système de rétention des employés et employées en vertu du Code canadien du travail lorsqu’un aéroport décide de procéder à un roulement abusif de contrats.
L’appel d’offres ne prévoit aucune disposition au sujet des minimums requis en la matière, tels que salaires, avantages sociaux et conditions de travail ou encore processus de réembauche des mêmes travailleurs et travailleuses qui effectuaient le travail pour le compte de l’entreprise ayant perdu l’appel d’offres. Les entreprises qui répondent à un appel d’offres se trouvent en concurrence avec d’autres entreprises, non pas en fonction de leur capacité d’effectuer le travail, mais plutôt en fonction de la faible rémunération qu’elles imposent à leurs travailleurs et travailleuses avec peu ou pas d’avantages sociaux.
Étude du cas : roulement abusif de contrats d’assistance auprès de passagers et passagères en fauteuil roulant à l’Aéroport international Pearson de Toronto
L’exemple de 400 membres de l’AIMTA qui viennent en aide aux passagers et passagères en fauteuil roulant à l’Aéroport international Pearson de Toronto et qui ont changé d’employeur quatre fois, illustre la tendance croissante au roulement abusif de contrats par l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA) et dans l’industrie des services au sol. Ces membres de l’AIMTA assistent les voyageurs et voyageuses en fauteuil roulant ayant besoin d’aide à l’embarquement et au débarquement.
Ces membres ont connu quatre roulements de contrats au cours des neuf dernières années. Ils travaillaient initialement pour Servisair, puis pour Toronto Ground Airport Services (TGAS) avant de travailler de nouveau pour Servisair. Leur contrat de travail a été finalement réparti entre TGAS, Navstar, WestJet et Air Canada. Les conséquences pour ces travailleurs et travailleuses ont été désastreuses : ils ont dû recommencer au salaire minimum ou presque et ont perdu leur ancienneté, prestations médicales, congés annuels et congés de maladie.
Cette étude de cas permet à l’AIMTA de mettre en avant que les droits de ces travailleurs et travailleuses ne sont pas protégés. Par conséquent, l’AIMTA incite le gouvernement fédéral à se pencher sur cette question et à travailler en étroite collaboration avec le mouvement syndical. La sécurité d’emploi est inexistante dans un environnement de travail précaire. Lorsque des travailleurs et travailleuses ont cumulé suffisamment d’ancienneté pour avoir droit à des avantages sociaux et lorsque le taux salarial a augmenté juste assez pour hausser leur niveau de vie, la GTAA oblige les entreprises de présenter de nouvelles soumissions. Par la suite, le successeur impose des changements aux employés et employées qu’il choisit d’embaucher en les obligeant à repartir de zéro après avoir subi un nouveau processus d’embauche. De plus, ce processus d’embauche est souvent discriminatoire, car l’employeur fait délibérément fi de certaines catégories de travailleurs et travailleuses : les plus âgés, les personnes ayant des déficiences ou encore ceux et celles ayant des antécédents d’accident de travail. L’employeur n’a aucune obligation d’embaucher les employés et employées qui travaillaient pour l’employeur précédent.
Une autre conséquence concerne la productivité au travail. Un préposé ou une préposée aux passagers et passagères en fauteuil roulant ayant obtenu des augmentations de salaire en vertu du contrat antérieur doit maintenant effectuer le même travail à un taux salarial beaucoup plus bas. Par conséquent, la productivité diminue et le rendement au travail reflète cette situation salariale problématique.
Enfin et surtout, la sécurité du public est exposée à de plus grands risques. Dans l’industrie du transport aérien, tous les employés et employées qui travaillent dans un aéroport sont réputés être les yeux et les oreilles de la GTAA en matière de sécurité. Le gouvernement leur délivre une CIZR au terme de diverses vérifications de leurs antécédents.
L’AIMTA recommande que l’article 47.3 du Code canadien du travail et les droits du successeur s’appliquent lorsqu’un roulement abusif de contrats implique des travailleurs et travailleuses devant détenir une CIZR.
Ce phénomène crée de l’instabilité dans l’aéroport et au sein du lieu de travail au début d’un nouveau contrat ainsi que pendant la période précédant l’expiration du contrat qu’il remplace. Par conséquent, la qualité du service diminue et de nombreux travailleurs et travailleuses sont contraints de démissionner et de faire une recherche d’emploi auprès d’autres compagnies où les salaires et les conditions de travail sont plus avantageux. Une autre conséquence résultant de ce phénomène est la mise à mal de la sécurité au détriment des passagers et passagères qui sont exposés à un environnement dans lequel ils n’obtiennent pas les services qu’ils méritent. Au bout du compte, ce sont les autorités aéroportuaires qui doivent composer avec les plaintes déposées pour dénoncer la piètre qualité des services reçus. Enfin et surtout, cette tendance augmente les menaces à la sécurité.
L’AIMTA recommande l’intégration d’un ensemble de valeurs fondamentales dans le processus d’appel d’offres qu’utilisent les autorités aéroportuaires, ou encore, la modification du Code canadien du travail en vue de protéger tous les travailleurs et travailleuses aéroportuaires devant détenir une CIZR en vertu des dispositions qui protègent les contrôleurs et contrôleuses pré embarquement.
De plus, l’AIMTA recommande que ces valeurs soient semblables à celles enchâssées dans les dispositions sur les droits des travailleurs et travailleuses des diverses lois provinciales et territoriales. Ces dispositions doivent notamment couvrir : la protection de l’emploi des mêmes employés et employées effectuant le même travail, et l’obligation pour le nouvel employeur ou contractant de les embaucher, le maintien des salaires, des droits de congé annuel et des avantages sociaux des travailleurs et travailleuses travaillant pour un nouvel employeur ou contractant ainsi que la reconnaissance de l’ancienneté et de la priorité à l’embauche afin d’éviter toute forme de discrimination envers les travailleurs et travailleuses en fonction de l’âge, du sexe, de la situation de famille ou d’une déficience.
De plus, l’AIMTA recommande qu’en cas de convention collective dont le suivi est assuré par un agent négociateur, la réglementation devrait obliger le successeur à sauvegarder la convention collective dûment ratifiée et prévoir que l’agent négociateur soit reconduit dans ses fonctions dans le but de perturber le moins possible les travailleurs et travailleuses, les passagers et passagères, et les opérations dans l’aéroport.
Concurrence des transporteurs aériens nationaux et limites de propriété étrangère
Un point sur lequel les syndicats en général et l’AIMTA en particulier s’opposent depuis longtemps est l’augmentation des limites de propriété étrangère en place et l’assouplissement des termes existants. À notre avis, rien ne justifie une ingérence extérieure dans notre pays, dans les affaires de nos citoyens et citoyennes, et du public canadien ou encore un assouplissement du modèle d’exploitation des entreprises au Canada par rapport aux lois en place en vue de protéger les droits et libertés des Canadiens et des Canadiennes.
L’AIMTA recommande le maintien des contrôles et limites de propriété existants.
Concurrence internationale des transporteurs aériens et politique aérienne internationale
L’AIMTA ne voit aucune raison de négocier des assouplissements dans de nouveaux accords qui auraient pour effet de libéraliser davantage le marché « ciel ouvert ». Le cabotage et le recours à la cinquième, sixième et septième liberté des libertés de l’air, communément appelées .
« Freedoms of the Air »  affaiblissent les transporteurs canadiens et les exposent à une concurrence accrue. De plus, cela pourrait menacer la survie même des transporteurs canadiens, au risque d’être acquis par une autre ligne aérienne ou carrément acculés à la faillite. Toutes ces actions déstabilisent notre secteur du transport aérien, ses travailleurs et travailleuses et – ultimement – les voyageurs et voyageuses, et citoyens et citoyennes canadiens.
Contrôle de sûreté de l’aéroport : gouvernance et rendement
Selon le rapport : « Le ministre des Transports a aussi écrit des lettres au président de l’examen de la LTC pour lui demander de tenir compte en particulier de la gouvernance et du modèle de prestation des services pour la sûreté aérienne et des problèmes concernant les limites de la propriété étrangère des transporteurs aériens canadiens. » Nous estimons que cela peut mener à des discussions sur la privatisation des contrôles aéroportuaires au Canada.
L’ACSTA ne réussit pas à utiliser ses ressources de manière plus efficace; cela engendre des temps d’attente plus longs et des passagers et passagères de plus en plus mécontents. En 2012-2013, 96 pour cent des passagers et passagères franchissaient les contrôles de sécurité en 15 minutes ou moins. En 2013-2014, cette proportion avait baissé à 92 pour cent. L’ancien gouvernement a perçu 636 millions de dollars du public, mais n’a consacré que 550 millions de ce montant à la sécurité aérienne (de plus en plus de deniers publics étant dépensés pour les frais d’administration). Selon les prévisions de l’ACSTA, entre 2012 et 2018, l’organisme aura accumulé, eu égard aux droits perçus du public, des excédents de plus de 681 millions de dollars – excédents qui aboutiront dans les revenus généraux du gouvernement. Nous devons nous assurer que le nouveau gouvernement libéral n’utilise pas les fonds affectés aux mesures de sûreté aéroportuaire pour financer ses dépenses générales.
En 2015, 3,5 milliards de passagers et passagères ont pris l’avion, soit une augmentation de 6,8 pour cent par rapport à l’année précédente . L’Amérique du Nord représentait en 2015 29,5 pour cent du trafic mondial . Le trafic aérien continue de croître plus rapidement que l’économie. En outre, c’est le trafic aérien en provenance de pays émergents qui a l’augmentation la plus rapide en raison de la forte croissance de la classe moyenne dans ces pays.
Selon le rapport : « Le but est de réduire le fardeau financier du secteur et de nous assurer que ces économies sont transférées aux utilisateurs. Des propositions sont aussi incluses afin de réformer les structures de gouvernance afin de favoriser davantage la concurrence dans les marchés nationaux et internationaux, […] Nous croyons que ces mesures créeront les conditions pour que le Canada puisse être en position de leadership en ce qui a trait à la sécurité aérienne, la sûreté et l’efficacité. » Nous croyons que le public n’a AUCUNE réticence à payer pour la sécurité tant que le système en place soit rapide et efficace. Pour ce faire, les fonds recueillis doivent servir aux fins auxquelles ils étaient initialement destinés plutôt que d’être transférés aux comptes de revenus généraux du gouvernement.
Concernant la première recommandation à la page 192 du rapport, l’AIMTA est en accord avec le contenu des paragraphes a. et b., mais en désaccord avec le contenu des paragraphes c. et d.
Contrôle de sûreté de l’aéroport : gouvernance et rendement
Nous tenons à souligner la nécessité d’une plus étroite collaboration entre l’ACSTA et le mouvement syndical. Dans le cadre de l’actuel système, l’ACSTA a le réflexe de se diriger vers les fournisseurs de services plutôt que les syndicats lorsque vient le moment de tenir des discussions. Par exemple, les nouvelles menaces à la sûreté aéroportuaire partout sur la planète se manifestent en amont d’une attaque terroriste à un point de contrôle. Plus d’un décès tragique résulte de la détonation d’explosifs dissimulés dans des bagages non encore enregistrés. Y aurait-il lieu de filtrer les bagages avant même qu’ils n’entrent dans l’aéroport? Voilà l’une des questions pouvant faire l’objet de discussions avec les travailleurs et travailleuses, et leurs représentants et représentantes syndicaux.
Au regard de la révision des modèles de réglementation, de financement et de prestation de la sûreté aéroportuaire, peu importe le système mis au point, il est en partie déployé par les personnes qui travaillent dans l’industrie. Ce sont ces personnes qui connaissent le mieux les rouages du système. Par conséquent, l’AIMTA recommande qu’elle soit toujours appelée à jouer un certain rôle dans ce processus.
Réglementation et certification du secteur aérien de classe mondiale
Le Canada est respecté à l’échelle mondiale eu égard au secteur de l’aéronautique, à son industrie de l’entretien, de la réparation et de la révision, à ses normes de réglementation aérienne en place et à son système d’éducation qui forme les spécialistes de l’aviation qui entretiennent nos appareils ainsi qu’ à ses normes régissant la délivrance de licences.
L’AIMTA recommande que toutes les parties prenantes, y compris elle-même, soient consultées en amont de la mise en œuvre de toute modification.
Chapitre 11 – Office des transports du Canada
L’AIMTA convient que l’Office des transports du Canada (OTC) doit être modernisé et que son mandat doit être élargi. De plus, nous reconnaissons –tel que souligné dans le rapport – que l’organisme gouvernemental « possède une expertise technique exceptionnelle sur les questions de transport et une capacité accrue à rendre des décisions impartiales et fondées sur des preuves grâce à sa relation sans lien de dépendance avec le gouvernement. » Si le mandat de l’OTC doit être « à titre ex parte », il doit demeurer neutre.
En ce qui concerne l’actuel manque de données suffisantes et à jour, l’AIMTA recommande que les données recueillies par l’OTC et Transports Canada reflètent l’ensemble des parties prenantes dans les transports, dont les travailleurs et travailleuses, l’industrie et tous les usagers et usagères. Nous réfutons catégoriquement l’idée que cela doit être fait « dans le contexte de surveillance réglementaire informel d’un système plus concurrentiel et axé sur le marché ». C’est pourquoi l’AIMTA est en désaccord avec la recommandation 1 b. formulée dans ce chapitre. Des études d’impact pourraient également parfois s’avérer nécessaires afin qu’une approche plus équilibrée soit adoptée au processus de prise de décisions relatives aux politiques.
Globalement, l’AIMTA est d’accord avec les recommandations formulées dans ce chapitre. Cependant, ces recommandations doivent être tempérées par le fait que l’Office doit demeurer neutre et continuer de relever du ministre des Transports. Enfin, la collecte de données doit refléter toutes les parties prenantes en cause.
Conclusion
Le rapport Emerson ne tient pas compte – et ne tente aucunement de tenir compte – des préoccupations et des problèmes vécus par les travailleurs et travailleuses de l’industrie des transports.
Fait intéressant, plusieurs des recommandations concernant l’OTC sont contraires et contradictoires à l’objectif du gouvernement libéral de « […] renforcer la classe moyenne et d’aider ceux qui travaillent avec ardeur pour en faire partie. »
Par conséquent, il sera intéressant d’observer la réaction que notre nouveau gouvernement libéral y réservera.
Ce mémoire a porté notamment sur le « contract flipping » ou « roulement abusif de contrats » – un problème majeur. C’est une tendance grandissante et il est urgent de réformer le Code canadien du travail afin de protéger les travailleurs et travailleuses touchés par un roulement abusif de contrats. Nous aimerions bien avoir la possibilité de discuter de ce problème avec les ministres du Travail et des Transports.
Selon le rapport, la question principale sous-jacente dans chaque recommandation était la suivante : « Quels changements dans l’approche politique, les mesures ou les investissements sont nécessaires pour que le système soit prêt à relever les défis des trente prochaines années? » L’AIMTA représente la vaste majorité des travailleurs et travailleuses de l’industrie du transport aérien. Dans l’élaboration de nouvelles politiques, il est impératif que la voix de l’AIMTA soit entendue en sa qualité de syndicat représentant ce grand bassin de travailleurs et travailleuses, et ce, pendant la rédaction de telles politiques plutôt qu’après leur adoption.