Lettre ouverte de David Chartrand Coordonnateur québécois du Synidicat des Machinistes (AIMTA)

Lettre ouverte de David Chartrand Coordonnateur québécois du Synidicat des Machinistes (AIMTA)

Cette lettre d’opinion a notamment été publié dans Le Devoir, Le Nouveliste et la Tribune de Sherbrooke ce vendredi le 18 novembre.

Bombardier doit survivre malgré les erreurs de ses dirigeants

Depuis que Bombardier a annoncé la suppression de 5000 emplois, dont 2500 au Québec, un fort sentiment anti-Bombardier monte en flèche dans la province. L’absence du p.-d.g. de Bombardier, Alain Bellemare, au sommet d’urgence convoqué par le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, ainsi que ses déclarations devant des investisseurs réunis à Bay Street ont soulevé la colère de beaucoup de Québécois et Québécoises à l’endroit de l’entreprise et de son patron.

Devant les difficultés que rencontre actuellement Bombardier, de plus en plus de Québécois et Québécoises se disent : « On n’en peut plus de ces bandits à cravate qui nous volent et qui se donnent de gros salaires, qu’ils ferment la shop et bon débarras ! » Le plus malheureux dans tout ça, c’est que cette frustration envers Bombardier met à risque les emplois de 15 000 travailleurs et travailleuses. Parce qu’en réalité, ce sont eux et leur famille qui souffriront, ce sont eux, Bombardier ; pas Alain Bellemare. Au final, si notre colère finit par avoir la peau de Bombardier, ce sont les travailleurs et travailleuses qui en payeront le prix et ils ne méritent surtout pas ça ; en fait, personne ne mérite ça !

Un riche héritage

L’héritage que Bombardier a entre les mains aujourd’hui remonte à 1928, lorsque la Canadian Vickers a commencé à fabriquer des avions. Durant tout ce temps, le coeur des activités de l’entreprise est demeuré au Québec. Le succès de l’aérospatiale a toujours reposé sur le génie et le savoir-faire des Québécois et Québécoises. Durant mes 28 ans passés auprès de Bombardier, d’abord comme assembleur puis comme représentant syndical, six p.-d.g. se sont succédé à sa tête. Comme moi, bon nombre de mes collègues dans cette entreprise leur ont survécu et ont pu faire continuer à faire vivre leur famille en travaillant en aérospatiale. Durant tout ce temps, nous avons eu à composer avec des entreprises et des patrons qui avaient plus à coeur la hausse des profits que les intérêts de leurs employés et de ceux du Québec. Ensemble, nous sommes passés au travers. S’il en est ainsi, c’est parce que l’aérospatiale fait partie de nous, elle fait partie de notre histoire. Ce que nous avons réalisé dans ce domaine, nous ne le devons pas à une entreprise privée ou à un p.-d.g. Tant que nous aurons la volonté de nous y investir, nous pourrons vivre de l’aérospatiale au Québec et nous demeurerons reconnus mondialement dans le domaine.

Même si nous avons raison d’être en colère contre la haute direction de Bombardier, il ne faut surtout pas jeter le bébé de notre aérospatiale avec l’eau du bain. Même si le comportement et les façons de faire de Bombardier plongent des milliers de Québécois et Québécoises dans l’incertitude, il ne faut pas sombrer dans un excès de colère. Nous devons consacrer nos énergies à trouver des solutions pour que ça ne se reproduise plus, plutôt que de souhaiter la mort d’un de nos fleurons industriels. Ces solutions passent par une implication solide et intelligente de nos gouvernements afin de promouvoir et de protéger les intérêts du Québec et de ses travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale.

L’aérospatiale est un pilier de notre économie et un moteur d’innovation technologique. Elle a un apport important dans le développement de la province depuis environ un siècle. Bombardier compose le noyau de cette industrie depuis 1986 et de nombreuses entreprises gravitent autour du constructeur pour décrocher des contrats. Il est donc avisé d’intervenir pour sa survie et son développement, mais pas n’importe comment. Nous devons le faire dans le respect des intérêts du Québec, de ses citoyens et citoyennes, de son économie. C’est pourquoi nous devons inclure systématiquement des engagements ainsi qu’un droit de regard lorsque l’on investit dans une entreprise. Nous devons, par exemple, obtenir des engagements sur le niveau d’emplois, le niveau d’activités, le développement de nouveaux programmes et la redistribution des retombées dans la société québécoise. Ainsi, nous éviterions des situations comme celle que nous connaissons en ce moment. Agissons, le temps presse.

David Chartrand

Coordonnateur Québécois