Le revenu de base universel : une aide ou un obstacle pour les travailleurs?

Le revenu de base universel : une aide ou un obstacle pour les travailleurs?

Par Ivana Saula

Le chômage de masse, la lenteur de la reprise et la dette contractée au cours des derniers mois ont suscité des discussions sur le revenu de base universel (RBU). Le succès de la Prestation canadienne d’intervention d’urgence (PCU) a servi de prélude à une conversation sur RBU, étant donné son efficacité à aider des milliers de travailleurs qui ont perdu leur emploi pendant la pandémie. Ce qui manque dans ce récit, c’est que de nombreux travailleurs ont été exclus au départ et que la PCU ne devait fonctionner qu’à titre de programme d’aide financière temporaire.

La PCU n’a jamais été conçue pour s’attaquer à la pauvreté, mais plutôt pour jouer un rôle qu’un système d’assurance-emploi brisé et démantelé ne pouvait pas gérer en temps de crise. Les objectifs de RBU, bien que quelque peu similaires, sont différents dans leur intention. Malheureusement, le débat public en cours estompe la distinction entre les différents outils stratégiques, comme les programmes financiers d’urgence, et ceux qui visent à s’attaquer aux problèmes sociaux et systémiques, comme la pauvreté.

L’image du revenu de base est extrêmement positive, mais d’importantes considérations sont ignorées. Très peu d’attention a été accordée aux objectifs que RBU vise à atteindre; est-ce pour compléter les salaires insuffisants, réformer l’assurance-emploi, éradiquer la pauvreté, même les règles du jeu pour les travailleurs pauvres, et ceux qui vivent dans la pauvreté cyclique?

Il peut vous surprendre que RBU n’est pas un nouveau concept. Il a été mis en pratique pour la première fois en 1795 pour aider les travailleurs agricoles dans une crise. Le coût du programme a été établi en fonction du prix du pain et ajusté en fonction de la taille de la famille. La politique a fini par nuire à ceux qu’elle était destinée à aider, ce qui a donné lieu aux lois pauvres et à l’établissement de maisons de travail. [1] Depuis, tous les autres projets pilotes et toutes les tentatives visant à obtenir un revenu de base universel ont été un échec, si on les mesure en fonction de qui finit par payer pour un tel programme, comment et si ceux qu’il est censé aider s’en sortent mieux.

Jusqu’en 2021, nous sommes confrontés au même dilemme et à la même crise. Les décisions concernant qui paierait pour le RBU et combien seront chaudement débattues. On a déjà discuté des coûts pour la classe moyenne si un tel programme était mis en œuvre. S’il s’agit de la classe moyenne, les décideurs ne devraient pas ignorer que les salaires ont diminué, alors que le coût de la vie a augmenté de façon disproportionnée, et qu’un Canadien moyen est à 200 $ de l’insolvabilité. Si c’est la solution, encore plus de gens sombreraient dans la pauvreté.

Ramener tous ceux qui vivent dans une pauvreté défavorable au seuil de la pauvreté coûterait 32 milliards de dollars2, ce qui signifie simplement que les gens qui vivent dans une pauvreté abjecte vivraient un peu mieux. Mais qu’est-ce qu’un investissement de 32 milliards de dollars pourrait accomplir?

Le Centre de politiques alternatives a estimé qu’un investissement de 32 milliards de dollars rendrait possible ce qui suit : l’assurance-médicaments, l’amélioration des réseaux d’aqueduc et d’égout, une nouvelle infrastructure durable (y compris la modernisation des logements et le transport en commun, l’élimination des frais de scolarité, les nouvelles prestations pour le logement et nouveau logement, les services de garde d’enfants, les soins de santé mentale et l’élimination des intérêts sur l’endettement des étudiants.

Toutes ces mesures amélioreraient la vie non seulement des pauvres, mais de tous. Par-dessus tout, en augmentant la disponibilité des ressources et en améliorant l’accès, nous pouvons utiliser les ressources collectivement de manière à renforcer nos familles et nos collectivités. De même, nous pouvons bâtir un mouvement plus fort lorsque les travailleurs sont en mesure d’exercer leur pouvoir, de bâtir la démocratie en milieu de travail, l’équité et la justice au travail et dans la sphère politique.

Comme il est probable qu’il y aura plus de débats sur ce sujet, nous devrions nous assurer d’être informés et informés de toutes les options stratégiques, y compris une politique fondée sur des garanties d’emploi et la création d’emplois qui sont équitablement rémunérés, satisfaisants et sécuritaires. Nous devrions également demander des politiques fiscales équitables, où tout le monde paie sa juste part, plutôt que la classe ouvrière qui est en train de rétrécir et qui est en difficulté et qui en porte le poids.

Et une question philosophique demeure : sommes-nous mieux quand nous avons plus d’argent ou quand nous avons besoin de moins d’argent ? La façon dont nous détournons les fonds publics en cette période critique aura des répercussions sur des générations de Canadiens.La pandémie nous a donné l’occasion de réévaluer le statu quo; ne répétons pas les erreurs du passé.

[1]   Pour plus d’informations, lire plus sur le système Speedhamland.
2   Yalnizan, Armine.