Innover en matière de pensions, dans l’intérêt des Canadiennes et des Canadiens : Les régimes à prestations cibles

Présentation de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale sur le document de consultation fédéral intitulé Innover en matière de pensions, dans l’intérêt des Canadiennes et des Canadiens : Les régimes à prestations cibles
Juin 2014
 
L’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale représente plus de 50 000 travailleurs au Canada. Environ la moitié des membres que nous représentons au Canada occupent un emploi dans un secteur de compétence fédérale; ils travaillent principalement pour des lignes aériennes et des compagnies de services de transport aérien.
 
Une majorité de nos membres participent à un régime de pension agréé (à employeur unique ou interentreprises). Nous parrainons des régimes de pension interentreprises à prestations cibles depuis plus de 40 ans au Canada et parrainons actuellement deux régimes interentreprises à fiduciaire conjoint, dont un est destiné exclusivement à nos membres occupant un emploi dans le secteur privé fédéral.
 
Pour commencer, nous contestons le concept mis de l’avant dans le document de consultation fédéral selon lequel les régimes à prestations cibles exploités sur une base à cotisations négociées/à prestations déterminées sont une nouveauté dans les secteur de compétence fédérale. Les régimes interentreprises à prestations cibles parrainés par des syndicats forment une composante nécessaire et importante du paysage des retraites au pays depuis de nombreuses décennies et versent des prestations de retraite à plusieurs centaines de milliers de retraités canadiens.
 
Malheureusement, les propositions formulées dans ce document de consultation auraient pour effet de miner la sécurité du revenu à la retraite des Canadiens.
 
Premièrement, le cadre proposé ne contribuerait aucunement à accroître la protection offerte par les régimes de retraite privés. Il ne représente pas un remède à l’omission de la plupart des employeurs canadiens de parrainer un régime de pension pour leurs employés. Ce qui est proposé n’est certainement pas une solution de rechange au besoin criant de bonifier les prestations publiques (le gouvernement fédéral fait actuellement obstruction en cette matière).
 
Deuxièmement, plusieurs des propositions formulées dans le document de consultation mineraient les principes sur lesquels repose la pérennité d’un régime à prestations cibles.
Des régimes à prestations cibles représentent une solution de rechange pour les travailleurs dont l’employeur refuse ou n’est pas en mesure de parrainer un régime à prestations déterminées. Quant aux régimes interentreprises, ils permettent de partager les risques et de réduire les coûts administratifs; les participants en bénéficient et les employeurs sont libérés du fardeau d’engagements illimités. En échange d’une obligation de financement fixe, l’employeur abandonne le contrôle sur le régime de pension (le confiant habituellement à un conseil de fiduciaires qui représente les intérêts des participants et bénéficiaires du régime) en plus de renoncer à de futurs congés de cotisations et remboursements d’excédents de capitalisation.
 
Les propositions qu’on peut lire dans le document de consultation permettraient aux employeurs de conserver un contrôle effectif sur leur régime de pension et un accès aux surplus tout en transférant la totalité des risques aux participants et bénéficiaires.
 
L’aspect le plus flagrant du document de consultation est qu’il permettrait aux employeurs convertissant un régime à prestations déterminées de réduire les prestations acquises et accumulées – y compris celles versées aux retraités actuels – et de fuir leurs obligations légales, contractuelles et morales de capitaliser à 100 % les prestations acquises et accumulées de leurs anciens employés et employés actuels.
 
Bien que le document de consultation fasse référence à plusieurs endroits à un mode de gouvernance fondé sur l’accord de toutes les parties, les employeurs auront inévitablement la mainmise sur les régimes à prestations cibles proposés.
 
Il n’y a aucune base pour des négociations et ententes concrètes entre les parties dans les milieux de travail non syndiqués, qu’il s’agisse de régime à employeur unique ou de régime interentreprises. Même dans les milieux de travail syndiqués, la négociation sera unilatérale, car les employeurs auront le gros bout du bâton et pourront induire en erreur, menacer et intimider les participants et bénéficiaires de leur régime de pension. La seule garantie est que les contributions d’employeur seront plafonnées.
 
En toute franchise, si les propositions décrites dans le document de consultation sont mises en place, elles discréditeront et mineront les régimes à prestations cibles existants en mettant de l’avant un modèle qui permet aux employeurs de conserver le plein contrôle sur le régime de pension tout en fuyant leurs obligations financières.
Les deux prétendus objectifs stipulés dans le document de consultation sont la viabilité des pensions et la sécurité des prestations.
 
Malheureusement, le document réduit la question de la viabilité des pensions à une simple affaire de réduction des coûts et des risques assumés par les employeurs. Il ne tient compte d’aucun autre élément, comme l’adéquation des prestations et l’équité. Réduire les prestations déjà acquises par les participants et les retraités d’un régime ne contribue en rien à le rendre plus « viable ». La seule forme de gestion des risques prévue dans ces propositions consiste à transférer l’ensemble des risques des employeurs aux participants et aux retraités.
En allégeant l’obligation pour les employeurs de financer les déficits de leur régime, les propositions mineraient la sécurité des prestations. Affirmer « un ensemble intégré d’éléments – prestations et cotisations, investissements, politique de capitalisation – définis et convenus par toutes les parties prenantes », c’est utiliser la langue de bois si les employeurs ont le pouvoir absolu d’imposer leurs décisions à l’autre partie.
 
Les principes directeurs du document – Transparence et Équité – sonnent tout aussi creux.
 
Le document propose une « approche probabiliste » au financement des régimes de pension (qu’on appelle le modèle du Nouveau-Brunswick). C’est une approche à la fois coûteuse et opaque, même aux yeux des professionnels en matière de pensions. La prise de décisions sur la base de modèles statistiques obscurs est à l’antipode de la transparence.
 
Une telle approche crée une impression injustifiée et trompeuse quant à la « garantie » fournie à l’égard des prestations. Aucun actuaire ne peut – ou ne devrait – prétendre pouvoir prédire l’avenir. Un ensemble prétendument aléatoire de scénarios quant à un avenir incertain n’offre aucune garantie à hauteur de 90 % ou de 75 % de quoi que ce soit, et l’organisme de réglementation fédéral des régimes de retraite n’est pas en mesure de surveiller efficacement un système aussi complexe.
 
L’équité ne se limite pas à une question d’équilibre intergénérationnel, comme le suggère le document. L’équilibre intergénérationnel peut être difficile à définir – et encore plus à légiférer –, mais de nombreux autres aspects de l’équité doivent être pris en compte lorsqu’il est question de régimes de pension. Il peut exister d’importants transferts de coûts, de prestations et de risques entre les divers joueurs à chaque stade d’un régime de pension, lesquels évoluent au fil du temps et sont difficilement conciliables. Les fiduciaires doivent donc bénéficier d’une certaine souplesse dans l’acquittement de leurs larges obligations fiduciaires.
 
Il n’existe aucune formule magique en matière d’équité, mais le document de consultation dans son ensemble repose sur une iniquité fondamentale en offrant aux employeurs la possibilité sans précédent de fuir leurs obligations et leurs responsabilités au détriment de leurs employés actuels et de leurs anciens employés.
 
Le document de consultation soulève un grand nombre d’autres questions portant sur divers enjeux techniques que nous ne commenterons. À notre avis, la proposition présentée dans ce document de consultation est fondamentalement inéquitable et doit être retirée.
Respectueusement soumise,
 
 
Dave Ritchie
Vice-président général