Objet : La crise à laquelle font face les travailleurs du secteur du transport aérien et du tourisme au Canada

Objet : La crise à laquelle font face les travailleurs du secteur du transport aérien et du tourisme au Canada

IAM CANADIAN OFFICE TRANSLATION
TRADUCTION DU BUREAU CANADIEN DE L’AIM
(ORIGINAL ENGLISH LTR ON CLC LETTERHEAD – VERSION ORIGINALE EN ANGLAIS SUR LETTRE-EN-TÊTE DE LA CTC)

Le 24 février 2021

Dossier : 20301-T04

L’honorable Omar Alghabra, C.P., député Ministre des Transports
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Par courriel : omar.alghabra@parl.gc.ca

L’honorable Chrystia Freeland
Vice-première ministre et ministre des Finances
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Par courriel : chrystia.freeland@parl.gc.ca

L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée
Ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre
et de l’Inclusion des personnes handicapées
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6
Par courriel : carla.qualtrough@parl.gc.ca

 

Chers Ministres,

 Objet : La crise à laquelle font face les travailleurs du secteur du transport aérien et du tourisme au Canada

Nous vous écrivons aujourd’hui au nom de centaines de milliers de travailleurs des secteurs aérien et touristique du Canada.

Comme vous le savez, les mesures de lutte contre la pandémie et de santé publique ont des répercussions désastreuses et de grande portée sur le secteur aérien du Canada, sur les travailleurs qu’il emploie directement et indirectement et sur les collectivités éloignées du Canada qui dépendent de cette industrie essentielle. Le secteur du transport aérien contribue pour 51,4 milliards de dollars au PIB du Canada et soutient environ 633 000 emplois. Si l’on tient compte des dépenses des touristes étrangers, la contribution totale de l’industrie s’élève à 68,1 milliards de dollars, soit 3,2 % du PIB du Canada. Il soutient également l’ensemble des secteurs du tourisme et de l’accueil, qui ont généré 105 milliards de dollars en 2019.

En raison de la baisse de 90 % des déplacements de passagers pendant la pandémie, 28 gares domestiques ont fermé leurs portes, les compagnies aériennes ont considérablement réduit leurs services et leurs itinéraires, et des dizaines de milliers de travailleurs ont été mis à pied. Cela a eu des répercussions sur les travailleurs employés directement par les compagnies aériennes et indirectement par l’entremise de leurs entrepreneurs, dont beaucoup occupaient des emplois stables et bien rémunérés pour la classe moyenne. La crise a également eu des répercussions importantes sur les travailleurs d’un large éventail d’emplois dans les aéroports, y compris ceux qui occupent des emplois précaires et mal rémunérés et qui sont racialisés ou qui appartiennent à des groupes en quête d’équité. De même, les travailleurs du secteur du tourisme et de l’hôtellerie ont connu un taux de chômage record. Cette crise a été encore aggravée par les restrictions récemment annoncées sur les voyages internationaux.

Bien que les mesures sanitaires prises pour limiter la transmission de la COVID-19 et réduire l’exposition du Canada à de nouvelles variantes soient absolument nécessaires et appuyées par les syndicats du Canada, le gouvernement devrait également mettre en place d’autres exigences, comme des tests rapides dans les aéroports, qui renforcerait les protections pour les voyageurs et les travailleurs essentiels et renforcerait la confiance du public lorsqu’il est sûr de commencer à lever les restrictions.

Parallèlement aux mesures de santé publique, le gouvernement doit prendre des mesures immédiates pour soutenir les travailleurs dont les moyens de subsistance ont été bouleversés et qui risquent de ne pas voir leur emploi revenir dans les années à venir.

Nous aimerions attirer votre attention sur quatre questions particulièrement préoccupantes : 1) élargir l’accès au programme d’assurance-emploi (AE) du Canada et inclure les travailleurs mis à pied dans les secteurs durement touchés; 2) créer de nouveaux programmes de formation et améliorer les programmes de soutien existants; 3) renforcer la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) au profit des travailleurs; et 4) veiller à ce que toute aide gouvernementale au secteur soit liée aux conditions et au soutien des travailleurs.

  1. Élargir l’accès au programme d’assurance-emploi du Canada et inclure les travailleurs mis à pied dans les secteurs durement touchés : Alors que nous approchons d’une année complète de mesures de santé publique pour lutter contre la COVID-19, de nombreux travailleurs du secteur aérien du Canada atteignent simultanément un an de prestations d’assurance-emploi. Nous n’avons pas encore eu de nouvelles du gouvernement au sujet des options pour ces travailleurs dont le retour au travail est peu probable à court terme. Il est essentiel que le gouvernement inclue immédiatement dans le programme d’assurance-emploi les travailleurs mis à pied dans les secteurs durement touchés jusqu’à la fin de 2021.

De plus, de nombreux travailleurs de l’industrie aérienne sont actuellement inactifs, mais continuent de travailler et de recevoir la SSUC. Reconnaissant qu’il est peu probable que leurs emplois reviennent bientôt, certains souhaitent quitter ce secteur et avoir accès aux programmes de formation de l’assurance-emploi pour poursuivre une nouvelle carrière en demande. Pourtant, l’exclusion des prestataires de l’assurance-emploi qui quittent volontairement leur emploi les empêche de le faire. Le gouvernement devrait immédiatement supprimer cette condition pour les travailleurs des secteurs durement touchés et permettre à ceux qui se sont volontairement séparés du travail d’avoir accès aux programmes de formation de l’assurance-emploi.

À long terme, les syndicats canadiens continuent de demander au gouvernement d’établir un échéancier clair pour un examen général du programme d’assurance-emploi du Canada, avec la pleine participation du public.1

2) Créer de nouveaux programmes de formation et de mesures de soutien et les améliorer : En reconnaissance du fait que les secteurs des voyages et du tourisme au Canada ne reviendront probablement pas à la normale pour les années à venir, il est essentiel que le Canada aide les travailleurs à faire la transition vers des emplois socialement utiles dans les industries à risque élevé de pénurie de main-d’œuvre. Bien que des conditions devraient être mises en place pour donner aux employés le droit de retourner à leur emploi lorsque l’industrie rebondit, il faudrait aussi mettre l’accent sur le soutien aux travailleurs qui souhaitent faire la transition vers les emplois à forte demande, y compris les emplois dans l’économie des soins du Canada ou ceux qui appuieront notre transition vers une économie verte à faibles émissions de carbone.

En plus de permettre aux personnes qui se sont séparées volontairement de leur emploi d’avoir accès à l’assurance-emploi, la nouvelle prestation de soutien à la formation de l’assurance-emploi devrait passer de quatre semaines à un minimum de 16 semaines afin de permettre le temps nécessaire pour acquérir des titres de compétence certifiables et transférables. Le taux de remplacement de la prestation de soutien à la formation de l’assurance-emploi devrait être fixé à 85 % de la rémunération hebdomadaire moyenne, au lieu des 55 % proposés.

Bien qu’il soit important d’améliorer cette nouvelle prestation, à elle seule, elle ne sera pas suffisante en cette période de crise unique. Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces afin d’accorder la priorité aux possibilités pour les travailleurs des secteurs des voyages et du tourisme du Canada de bénéficier d’un large accès à l’enseignement professionnel, à la formation et à l’apprentissage. Ces programmes devraient comprendre l’apprentissage en cours d’emploi et l’expérience en cours d’emploi, tout en reconnaissant le rôle essentiel de l’éducation publique et des collèges communautaires.

Cependant, un risque important est que les employeurs utilisent la pandémie pour éliminer les travailleurs âgés et de longue durée et les remplacer par une main-d’œuvre moins chère. Comme les voyages et le tourisme finissent par rebondir, les travailleurs titulaires devraient avoir le droit de retourner à leur emploi. Sinon, les travailleurs peuvent être remplacés dans le but de réduire les salaires et les conditions de travail.

Les gouvernements fédéraux et provinciaux devraient fournir un soutien pour veiller à ce que les travailleurs aient une voie de retour vers leurs emplois antérieurs à la COVID-19 et offrir des possibilités de formation à ceux qui en ont besoin.

3) Renforcer la SSUC au profit des travailleurs : Le programme de la SSUC est brisé et ne sert pas les travailleurs à leur plein potentiel. Les entreprises qui reçoivent des fonds publics par l’entremise de la SSUC ont trouvé des échappatoires qui leur permettent de réduire leurs coûts au détriment des travailleurs. En donnant aux employeurs un effet de levier dans l’application de la SSUC, certains employeurs, y compris Sunwing, Air Canada (pour une courte période), Air Transat et WestJet, ont accepté le soutien qui couvrait 75 % du salaire de leurs employés, mais qui réduisait tout simplement les salaires, plutôt que de compléter les 25 % restants.

Certaines compagnies aériennes ont réduit les avantages sociaux des employés en réduisant complètement les avantages sociaux, en réduisant les avantages sociaux ou en transférant le coût total des avantages sociaux aux employés. D’autres compagnies aériennes, dont Canadian North, First Air et PAL, ont lancé un ultimatum aux travailleurs et à leurs syndicats, obligeant les travailleurs à choisir entre être mis à pied ou rester sur la liste de paie, mais avec des pensions, des avantages sociaux ou des heures de travail réduits.

Dans d’autres cas, des employeurs, dont Air Canada et Flair, ont refusé d’avoir accès à la SSUC et ont opté pour des mises à pied, ce qui a rompu les liens entre les employés et l’employeur.

Ni les compagnies aériennes de restauration ni les concessionnaires d’aéroport n’ont utilisé la SSUC pour garder leur effectif intact. Cela est typique dans l’ensemble du secteur du tourisme et de l’hôtellerie. Les employeurs disent qu’ils ne veulent pas payer pour que les travailleurs restent à la maison, mais oublient commodément qu’ils transfèrent de l’argent du gouvernement pour garder la main-d’œuvre intacte. Les employeurs qui n’ont pas les moyens d’assumer les coûts initiaux de l’inscription des travailleurs au programme devraient pouvoir recourir aux programmes d’aide.

La SSUC a été conçue pour offrir un maximum de souplesse aux employeurs, mais elle ne nécessite absolument aucun engagement de la part de l’employeur à conserver son effectif antérieur à la COVID-19. Craignant que la SSUC ne décourage le travail, le gouvernement fédéral n’a réussi à soutenir qu’une fraction des travailleurs qu’il était censé aider. Pendant une crise de santé publique, il faut corriger cette situation pour assurer un rétablissement en douceur.

Alors que le gouvernement a agi rapidement pour éliminer les échappatoires afin d’empêcher un petit nombre de voyageurs internationaux d’avoir accès à une aide financière provenant de l’un des trois avantages de la reprise, Depuis des mois, le gouvernement se traîne les pieds pour éliminer ces échappatoires qui nuisent à des dizaines de milliers de travailleurs du secteur canadien du transport aérien et du tourisme.

Nous encourageons le gouvernement à prendre immédiatement les mesures nécessaires pour éliminer ces échappatoires et à exiger des employeurs qu’ils ajoutent tous leurs employés d’avant la COVID-19 à la SSUC, qu’ils complètent rétroactivement les salaires et qu’ils remboursent les cotisations et les coûts des avantages sociaux.

4) Veiller à ce que toute aide gouvernementale au secteur soit liée aux conditions et au soutien des travailleurs : Les secteurs des voyages et du tourisme du Canada ont non seulement été les plus durement touchés par la pandémie, mais ils devraient également connaître la reprise la plus lente. Pour le secteur aérien en particulier, cela a été dévastateur pour ses travailleurs et désastreux pour les collectivités éloignées du Canada qui dépendent du transport aérien pour leurs besoins essentiels. Pour que le secteur survive, un financement direct est nécessaire.

Les syndicats du Canada se tiennent aux côtés des associations de l’industrie pour réclamer un financement direct, mais si de tels prêts ou subventions sont accordés, il est essentiel qu’ils soient liés à des conditions qui soutiennent les travailleurs. Heureusement, des pays comme la France et l’Australie ont déjà élaboré un soutien ciblé pour leur secteur aérien qui est conditionnel au soutien des travailleurs, ce qui donne au Canada des exemples concrets. Notamment, le gouvernement français a travaillé avec les syndicats pour développer des horaires de travail dans le but de préserver les emplois.

Le financement ciblé de l’industrie ne devrait pas être calqué sur le Programme de crédit aux secteurs très touchés (PCSTT) inadéquat et brisé. Nous recommandons plutôt au gouvernement de lier tout financement ciblé de l’industrie, comme les prêts à faible taux d’intérêt et les subventions, aux conditions qui obligent les employeurs à : 1) conserver les travailleurs sur la liste de paie; 2) participer pleinement à la SSUC; 3) empêcher les employeurs d’ouvrir des conventions collectives et de réduire les salaires et les conditions de travail des travailleurs; 4) exiger la protection des rappels, en donnant aux travailleurs mis à pied le droit de premier refus de retourner à leur emploi.

Les syndicats du Canada recommandent que le gouvernement établisse un groupe de travail du Conseil sectoriel qui comprend des représentants du gouvernement, de l’industrie et des syndicats. En plus de concevoir une forme efficace d’aide directe à l’industrie (p. ex., prêts à faible taux d’intérêt, aide au flux de trésorerie et subventions), le  groupe de travail du Conseil sectoriel devrait avoir pour mandat de veiller à ce que le financement gouvernemental soit lié au maintien et à la création d’emplois bien rémunérés et sécuritaires.

Comme c’est le cas avec l’approbation récente par le gouvernement de l’achat de Transat A.T. Inc. par Air Canada, les engagements en matière d’emploi sont essentiels et devraient être des conditions obligatoires dans tout programme ou processus d’approbation du gouvernement. De plus, des limites claires doivent être établies sur la façon dont l’argent public est utilisé, notamment en empêchant le versement de primes, le rachat d’actions et d’autres régimes qui ne profitent pas directement à l’industrie et aux travailleurs.

Nous  espérons avoir l’occasion de discuter plus en détail ces questions.

Sincèrement,

Hassan Yussuff
Président, CTC

Mark Hancock
Président nationale, SCFP Canada

Stan Pickthall
Vice-président général, AIMTA Canada


Ian Robb
Directeur canadien, UNITE HERE Canada

 

1 Un examen exhaustif du programme d’assurance-emploi du Canada devrait comprendre les réformes suivantes : 1) Remplacer le critère d’admissibilité variable de l’assurance-emploi par un seuil d’admissibilité national unique réduit; 2) augmenter la durée des prestations à 50 semaines pour tous les prestataires; 3) mettre fin à l’exclusion des prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans motif valable ou qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite; 4) empêcher les indemnités de départ et de vacances de réduire les prestations et les droits des prestataires; 5) assurer une prestation minimale au moyen d’un nouveau supplément de faible revenu fondé sur le revenu individuel et augmenter le taux de remplacement; 6) Accroître l’accès aux prestations de maternité et parentales et introduire un taux de remplacement plus élevé à la suite du Programme d’assurance parentale du Québec; 7) Étendre de façon permanente les prestations de chômage aux travailleurs autonomes, aux travailleurs indépendants et aux travailleurs à la demande.